lundi 22 mars 2010

Témoignage : Je joue dans des clubs de Jazz

Chers lecteurs,

Pour commencer la semaine, Le Freluquet nous fait entrer dans les coulisses des clubs de jazz et nous fait partager sa passion pour cette musique.... Bon voyage musical !


1) Bonjour, Le freluquet, tu joues du piano depuis de nombreuses années. Peux-tu nous parler de tes premiers contacts avec cet instrument?


Bien que freluquet à l’origine signifie « homme chétif et de petite taille », je vais faire comme si tu étais une grande prêtresse Na’vi, me toisant de ses 5 mètres… et n’en prendrai pas ombrage.

On parle beaucoup de liberté dans l’éducation, surtout les «soixante-huitards». Pour ma part, le piano m’a été imposé, ainsi qu’une vieille professeur nauséabonde et plus sèche qu’Alliot-Marie, lorsque j’avais 5 ans et peu d’autorité sur mes parents. J’étais à cette époque aussi enthousiaste à l’idée de partir pour ma leçon, que de me frotter le nez et les oreilles avec un gant savonneux, c’est pour dire…
Lorsque nous avons quitté Paris et mes amis, pour un petit village de l’oise, j’avais 11 ans ; et le piano est vite devenu un compagnon de solitude, tout comme les livres, sur lequel j’exerçais mon imagination et mon humeur.

Plus tard, un ami de classes préparatoires de la « high society » (son père était l’un des cadres de Peugeot), m’a fait découvrit le jazz mondain (Sinatra, Sydney Bechet, Les big bands), ainsi que les boogie-woogies, le jazz cool (Errol Garner) et le ragtime.

Et ce fut le déclic ! Arrivant en école d’ingé à Toulouse, je me suis immédiatement mis en quête du prof de piano jazz en vue, le dénommé Jacques Ronga. Je me jetais sur ses cours comme un enfant affamé sur une religieuse au chocolat. La vieille bique du 5° arrondissement était définitivement oubliée. 3 ans après, je me produisais pour la première fois au Palais des Congrès de Toulouse (j’ai encore la cassette pour ceux qui veulent des preuves…).

2) Quand on parle de Jazz, qu’est-ce que cela évoque pour toi ? Qu’est-ce qui te plait dans cette musique
Le jazz, c’est un grand mot, qui signifie tout et rien. Aujourd’hui, il y a des dizaines de branches de jazz très différents. Voir ici l’arbre du jazz : http://foudemusique.free.fr/images/arbre_du%20jazz.jpg
Pour les puristes néanmoins, le jazz est au milieu de l’arbre et un peu au dessus : Du Be-Bop (Charlie Parker, Bud Powel) au Rythm&Blues (à ne pas confonfre avec le RnB)
C'est-à-dire ce qu’écoutaient nos parents au Caveau de la Huchette.
Aujourd’hui, le fin du fin, dans les milieux New-Yorkais, c’est d’écouter du jazz «Post-Bop modal» (Chick Corea, Keith Jarret, Wallace Rooney)… ça jette non ?
On ne peut comprendre le jazz que si l’on revient à ses origines. C’était la musique des pauvres, ceux qui devaient trouver un rythme et une consistance musicale avec très peu de moyens… Souvent, après la crise de 29, les clubs devaient se contenter d’une petite section rythmique (piano et batterie) et de un, deux ou trois musiciens solos. De plus en plus souvent, le piano fait à la fois le rythme et la mélodie…

De part ses origines, et contrairement à la musique pop commerciale, le jazz malgré bien sûr quelques exceptions, n’est pas une musique qui cherche à se promouvoir. C’est d’abord la pratique de la convivialité et de la simplicité, dans une certaine intimité. C’est aussi un art où l’on cherche à surpasser le maître et à se comparer à ses pairs. Comme tout art, il y a un cadre de référence, souvent complexe, qui est la tradition, mais qui ne demande qu’à évoluer au gré des inventeurs, et de leur culture musicale. On peut, comme dans les autres types de musique, tout y exprimer : la mélancolie, la joie, le mystère, la sérénité, la trépidation, le froid, le chaud…

Mais en définitive, ce qui est sans doute la forme la plus constante du jazz, c’est la création en temps réel : l’improvisation. Attention, hormis quelques tentatives du free jazz, les musiciens d’un groupe ont un fil commun qu’on appelle l’harmonie, elle même contenue dans un rythme prédéfini. C’est ce qui se matérialise par ces hiéroglyphes étranges qu’on appelle les grilles. C’est ce qui permet à des musiciens qui n’ont jamais joué auparavant d’exécuter un morceau et de connaître ce sentiment propre au jazz, et sans cesse renouvelé, d’avoir vécu un moment unique d’émotion et de partage….

Pour arriver à cette maîtrise, il faut de longues années de pratique, et savoir écouter et sentir les intentions de jeu des autres. C’est un peu comme si on peignait à volonté dans un cadre sans avoir le droit d’en sortir, chacun ayant sa couleur… chaque phrase musicale serait un coup de pinceau avec une forme et une longueur bien particulière… propre à chacun…


3) Qu’est-ce qui t’as donné envie, un jour, de jouer dans un club de jazz ?
Ma première expérience de jeu, à Toulouse, n’était pas représentative, car il s’agissait d’un concert très organisé où chacun venait réciter son morceau de manière un peu formelle.
Mes premières envies de jouer en public, sont apparues lorsque, étudiant, je fréquentais les bars parisiens avec « Piano libre service », comme le Tavern Bar, où je vidais les restes de stocks de bière, avant de taper sur le piano, sachant que les autre ivrognes trouveraient géniale toute prestation, pourvu qu’elle soit bruyante…

4) Te rappelles-tu de ton premier « live » ? Comment cela s’est passé ?
Mon premier « vrai » live, se passe au Swan Bar, Boulevard du Montparnasse, il y a une dizaine d’années. Les musiciens d’un groupe américain venaient de terminer leur concert, et rangeaient leurs instruments. Comme la plupart des convives étaient partis, et que je connaissais bien le patron, je m’autorisais quelques notes cool sur le piano… A un moment, je me lançais dans une version très personnelle de « Oh when the saints », que j’avais un peu enrichie, comme il arrive souvent lorsqu’on reprend de vieux standards…

Alors que je reprenais le thème, j’entendis le son parfaitement juste et en rythme d’une guitare basse… C’était le bassiste américain, un petit black avec un sourire à égayer la plus placide des bonnes sœurs de Sainte Genévrière (le Swan est dans le 6°), qui se joignait à moi… puis progressivement, une guitare, un sax alto arrivèrent….
Nous continuâmes la soirée par du blues (j’aime les jouer en Fa), du latino (Blue Bossa), du swing en 3 temps (Bluesette de Toots Tillman), du be bop (Confirmation de Charlie Parker)… et finirent par une longue séance d’échanges culturels sur le jazz, le monde, et la couleur des bières… Cet épisode est très représentatif de l’esprit jazz : il n’y a pas d’un côté les professionnels et de l’autre les amateurs…

On peut aussi citer mon duo avec feu Georges Arvanitas, l’un des meilleurs pianistes de jazz français de ces dernières années, à mon mariage… mais je ne sais pas si cela compte, car le public était bien sûr de connivence.

5) Y-a-t-il un lieu particulier dans lequel tu rêverais de jouer un jour ? Pourquoi ?
Pour ce qui m’est accessible, compte tenu de mon niveau… je dirais le petit journal de Saint Germain… Car cela reste une référence, tout en gardant un état d'esprit ouvert et chaleureux.
J’aimerais aussi, comme spectateur, passer une soirée au Blue Note à New York : c’est le temple du jazz.

6) Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite jouer dans un club de jazz ?
Allez sur http://www.parisjam.com/ pour choisir ce qu’on appelle une jam session.
Préparer un ou deux morceaux, si possible avec des collègues avec qui l'on a l’habitude de jouer, pour une première fois.
Et surtout se lancer… ne pas avoir peur… Le monde du jazz est bien plus tolérant que celui du showbiz en général…

7) Et pour finir, le « music test ! »
M comme…Michel (Pétrucciani)
U comme…Up and Down (un vieux blues
S comme….Suave
I comme…..Isotope (à la fois le premier groupe de jazz-rock british, et un standard Bebop très innovant des années 70)
C comme……Charleston (paire de cymbales dans une batterie)

2 groupes modernes sur je conseille :
Pour ceux qui ont déjà l’oreille jazz et aiment le piano : Esbjorn Svensson Trio – son meilleur album (très romantique et très subtil), sans doute : « Strange Place For Snow »
Pour ceux qui débutent le jazz et veulent se « faire » l’oreille : le contrebassiste israélien Avishaï Cohen - son dernier album, sans doute le meilleur : Aurora.Retour sur la page d'accueil


Le Freluquet,

Je te remercie beaucoup pour ce témoignage très riche et vivant qui m'a permi notamment de mieux connaître les us et coutumes de l'univers du jazz !
Tiens-nous au courant de ton prochain live !

Sources photos

Aucun commentaire:

Vous avez envie de recevoir les articles par mail ? C'est facile !!

Recevoir les articles du blog par mail