Avez-vous déjà eu envie d'écrire sur vos ancêtres ?
Cet appel de la plume, Laure Mestre l'a ressenti très fortement pour retracer l'histoire de son arrière grand-mère Jeanne.
Aujourd'hui son livre "Jeanne L'alsacienne, récit transgénérationnel" vient de paraître et Laure nous fait le plaisir de partager avec nous cette expérience d'écriture très intéressante.
Bonjour Laure ! Avant de
parler de Jeanne, quelques mots pour te présenter aux lecteurs ?
Bonjour Stéphanie !
Pas facile de se
présenter en quelques mots quand on a déjà un passif de presque 6 décennies de
vie ! Je suis née et j’ai grandi en région parisienne, puis j’ai passé mes
30 ans et quelques de vie familiale à bouger aux quatre coins de France, avec
mari et enfants.
Dans une « première vie », j’étais professeur
d’économie en BTS de secrétariat, mais ça ne comblait pas ma soif de beau, de
nature, d’histoire, de recherche, d’humanité… Bref, c’était un peu trop
mono-tâche et pas assez tourné vers l’écoute des besoins d’harmonie, dans tous
les sens du terme.
Alors, j’ai fait une formation et monté en 2009 une agence
de conseil en agencement (architecture intérieure) et décoration, « À tous
les étages ». Depuis, j’aide mes concitoyens à aménager leur logement
selon leurs besoins (et pas comme les magazines de déco disent qu’il faut le
faire !). Et j’écris des articles de déco pour mon blog et pour des
clients exigeants ! L’article de mon blog le plus important pour moi est
« La déco pour les aveugles ».
Tu viens de publier ton
livre, sur Jeanne L'alsacienne, une de tes ancêtres. Qui est-elle par rapport à
toi ? Comment a germé l'idée d'écrire sur cette femme de ta famille ?
Depuis longtemps, je me demande
pourquoi on ne parlait quasiment jamais, chez mes parents, des origines
alsaciennes de ma mère. Pourtant, quand j’étais petite, on me disait parfois
que je ressemblais à mon arrière-grand-mère Jeanne qui était la grand-mère
maternelle de ma mère et qui était alsacienne. Après la mort de mes parents
(2013 puis 2016), j’ai senti que c’était le moment d’apprendre à la connaître.
C’était un besoin très fort, pas explicable mais vraiment fort. Il faut dire
aussi que je souffre de fibromyalgie depuis de longues années et que je sentais
qu’il y avait peut-être une cause ancienne et inconnue. Jeanne est morte en
1968 quand j’avais 3 ans. Je la voyais toutes les semaines et je ne m’en
souviens pas du tout.
Alors, par amour pour cette Jeanne que je ne connaissais
pas, j’ai décidé d’enquêter en profitant de la chance d’avoir trouvé chez mes
parents pas mal de documents (photos, croquis, lettres), tout en sachant que ce
ne serait pas simple car je ne connaissais rien du tout à l’histoire d’Alsace.
Ton processus d'écriture sur ton ancêtre a suivi une approche bien particulière. Peux-tu nous l'expliquer ?Alors là, je peux expliquer mon
approche mais je ne peux pas expliquer pourquoi je l’ai choisie. Je n’en sais
rien, c’est comme ça, une évidence !
Mais une évidence assez spéciale
puisque j’ai décidé de commencer à écrire sans consulter le moindre document.
Je me suis servie de moi comme d’une page blanche : je ne savais rien
alors j’ai décidé d’écouter mon corps, mes sensations et mes émotions, avant de
chercher quoi que ce soit de concret. Et là, surprise !
J’ai écrit 10
chapitres à partir de rien ! Juste des bribes de souvenirs qui remontaient
à la surface quand je me mettais à l’écoute de moi-même et de mon entourage.
Après cette première étape, j’ai écrit avec une documentation restreinte, celle
que j’avais chez moi uniquement : lettres, photos, croquis, morceaux
d’arbres généalogiques, vieux papiers de famille… 20 chapitres de plus !
Puis,
enfin, j’ai commencé la véritable enquête en bonne et due forme, comme la font
la plupart des généalogistes en herbe. J’ai cherché sur internet et je suis
allée en Alsace, me crever les yeux à déchiffrer des archives par centaines…
Qu'est-ce qui t'as
étonnée lors de l'écriture de ce livre ?
Je n’ai pas voulu du tout romancer
le récit. Je n’ai donc fait que poser des hypothèses : imaginer ce qui
avait pu se passer, exprimer mes doutes…et mettre des points d’interrogation
partout !
Ce qui m’a fascinée c’est la quantité incroyable d’informations
que j’ai fait émerger de moi-même et la concordance entre ce que j’ai supposé
sans preuves et ce que j’ai trouvé plus tard dans la documentation. À vrai
dire, il y a très peu d’erreurs.
J’ai tenu à ne pas du tout modifier le texte
de mes deux premières parties après avoir écrit la troisième, pour que mon
témoignage soit le plus véridique possible. Il est donc facile de comparer les
hypothèses du début du livre (mémoire corporelle) avec les preuves écrites
étudiées ensuite (archives).
Pour toi un récit
transgénérationnel c'est...
…Un récit sur plusieurs générations
qui démontre à quel point des événements plus ou moins dramatiques peuvent être
transmis à la descendance de façon consciente mais aussi de façon tout à fait
inconsciente.
Au début de mon récit, je pensais « remonter » l’arbre
généalogique de moi jusqu’à Jeanne. Mais, très vite, j’ai compris que je ne
pourrai pas connaître Jeanne sans connaître son histoire, donc ses parents, ses
grands-parents et même ses arrière-grands-parents… J’ai ainsi
« remonté » sept générations en suivant la lignée des femmes, jusqu’à
l’arrière-grand-père de Jeanne, né pendant la Révolution française dans un
village d’Alsace où il acheta une source d’eau minérale. Cet homme à forte
personnalité semble avoir « empoisonné » toute sa descendance.
L’essentiel de mon travail (découverte de plusieurs secrets de famille) montre
par quels mécanismes le poison des fidélités familiales inconscientes s’est
transmis, en causant nombre de « dommages collatéraux » (folie,
suicides, maladies…). J’ai découvert la discipline de la psychogénéalogie en
cours de rédaction et j’ai été surprise de constater que tous les liens que
j’avais relevés entre les « personnages » de mon arbre généalogique
correspondaient exactement à l’approche théorique de la psychogénéalogie mise
en lumière par Anne Ancelin Schützenberger dans les années 1980.
A ce stade de la vie de ton livre, que retires-tu de cette expérience d'écriture et de partage de cette histoire plus largement ?
Chaque stade d’écriture a été
générateur de découvertes et de rencontres incroyables ! J’ai rencontré
des personnes bienveillantes avec lesquelles j’ai noué une amitié forte, j’ai
fait connaissance avec des cousins éloignés qui comme moi cherchent leurs
racines, j’ai appris à connaître et à aimer l’Alsace et son histoire…
J’ai
aussi découvert le monde de la généalogie : les salles d’archives, les
blogueurs passionnés, le côté addictif des recherches jamais achevées. J’ai été
accueillie au Cercle Généalogique d’Alsace, association dans laquelle je suis
désormais très investie (j’anime le blog « Généalogie Alsace »).
Mon écriture a été largement guidée
par les douleurs que la fibromyalgie m’inflige. Certains verront d’ailleurs des
styles d’écriture très différents selon les jours où je suis bien portante
(donc capable d’analyse rigoureuse) et ceux où les douleurs trop intenses
génèrent des phrases plus vives et spontanées. Je considère désormais que la
douleur a joué un rôle de démarreur autant que ma soif de connaître Jeanne.
J’ai appris à mieux me connaître, à m’écouter, à respecter le rythme que la
maladie m’impose. Sur de nombreux plans, je suis en bonne voie
d’apaisement ! Je trouve fabuleux de constater la richesse immense des
ressources que chacun de nous a en soi : j’espère de tout cœur que mon
livre aidera chacun à évoluer vers l’optimisme et l’espérance.
Et maintenant le
"Jeanne l'Alsacienne" test, à compléter selon ton inspiration :
J comme... Joséphine (le troisième prénom de Jeanne)
E comme... Enfance (celle de Jeanne n’a pas été très
gaie)
A comme... Alsace (évidemment)
N comme... Naissance allemande (à Colmar en 1880)
N comme... Ne pas en parler
E comme... Empreinte, expérience, élan
L' comme... Laure, Louis (7ème génération)
A comme... Ancêtres
L comme... Libération, laver à grande eau
S comme... Source de Soultzmatt (dans le Haut-Rhin)
A comme... À la claire fontaine, ou Ah vous dirai-je
maman ?
C comme... Choléra, culpabilité
I comme... Incendie
E comme... Emmanuel (mon père) et Élisabeth (ma mère)
N comme... Nessel (le nom de l’ancêtre et de la
source, ortie en allemand)
N comme... Naturellement pétillante
E comme... Éclabousse, espérance
Souhaites-tu ajouter
quelque chose ?
Merci Stéphanie pour notre rencontre
et pour ta joie de vivre communicative !
À tous tes lecteurs :
lancez-vous dans la généalogie : ce n’est jamais du temps perdu…
Et surtout écrivez-moi vos avis
après avoir lu « Jeanne l’Alsacienne » !
Pour en savoir plus :
Le livre est disponible sur : Fnac, Decitre, Amazon
Et Librinova : https://www.librinova.com/librairie/laure-mestre/jeanne-l-alsacienne-1
Suivre l’aventure en images sur
Instagram @jeannelalsacienne : https://www.instagram.com/jeannelalsacienne/
Mon site internet professionnel « À
tous les étages » : https://www.decoatouslesetages.fr
L’article « La déco pour les aveugles » sur mon blog de décoration : https://www.decoatouslesetages.fr/2016/05/09/la-deco-pour-les-aveugles/